Asambleas Ciudadanos


 

l'Assemblée du Cône Sud de l'Amérique Latine

 

 

L'Assemblée d'Iquique réussit son premier essai de construction citoyenne

Traductions : Español . français . English


Iquique - Cône Sud. Dimanche 7 novembre 2010. 23h00. La Première Assemblée citoyenne du Cône Sud vient de s’achever après trois jours d’échanges ininterrompus, de fêtes, de caravanes citoyennes et d’expressions artistiques dans les locaux de l’université Arturo Prat et d’autres lieux symboliques de la cité d’Iquique. Les délégations de participants du Cône Sud qui avaient relié quatre jours avant plusieurs villes principales du Pérou, de la Bolivie, de l’Argentine et du Sud du Chili, se sont retrouvées fraternellement aux cotés d’une dizaine d’invités venant du Brésil, du Paraguay, de l’Équateur, de l’Inde et de la France. Tous ont maintenant repris le chemin du retour en arborant le drapeau de l’Assemblée citoyenne et de l’intégration des peuples et des nations de la région. La fin de l’Assemblée semblait se transformer en un nouveau départ. Les caravanes se sont aussitôt remises en route vers les quatre pays du Cône Sud. L’atmosphère était joyeuse et éthérée. On pouvait lire sur les visages l’énergie et l’enthousiasme laissés par les rencontres. Les participants se sont échangés des derniers remerciements puis se sont embrassés chaleureusement avant de monter à bord des bus avec leur délégation.


Iquique (re)devenue "oasis civilisationnelle et citoyenne"


C’est le territoire cosmopolite et frontalier d’Iquique, situé dans la région septentrionale de Tarapacá au Chili, qui a accueilli du 5 au 7 novembre 2010 la Première Assemblée citoyenne du Cône Sud. Cette même région qui, bien avant dans son histoire, avait accueilli le métissage des peuples indigènes aymaras, quechuas et mapuches il y a plusieurs millénaires, puis l’arrivée massive de familles et d’ouvriers migrants au XIXème siècle venus prêter main forte travailler dans l’aventure productiviste du salpêtre et préfigurer l’intégration des ethnies et des peuples de la région malgré les conditions draconiennes d’exploitation dans les campements miniers. C’est ce même territoire d’Iquique, relié au reste du monde par l’Océan Pacifique, héritier des disputes maritimes et territoriales et d’un développement économique exclusif et inégal, qui s’est laissé convertir en "oasis civilisationnelle et citoyenne" grâce à la venue de 300 citoyens originaires du Cône Sud et d’autres continents, réunis pour vivre ensemble un essai d’intégration et de construction citoyenne.


La seule diversité des participants suffisait à créer un enchantement de couleurs, de visages, d’accents quechuas, yuracarés, aymaras, mapuches, mais tous les participants ont utilisé l’espagnol castillan du Cône Sud pendant l’Assemblée. Chaque délégation a compté en général sur la présence de femmes, de dirigeants de peuples originaires, d’universitaires, de producteurs ruraux, d’artistes, d’éducateurs, de fonctionnaires d’Etat et provinciaux, de conseillers municipaux et de parlementaires, de jeunes et d’étudiants, de cadres syndicaux et politiques, de migrants, d’habitants, de communicants et de journalistes. Les réseaux et les acteurs de la société civile étaient majoritairement représentés. La plupart d’entre eux provenaient des régions métropolitaines de chaque pays, mais une part notable était issue des provinces intérieures. Soulignons enfin que plusieurs médias de communication avaient été mobilisés parallèlement par l’équipe organisatrice au Chili, relayée en amont et après l’assemblée par plusieurs participants en contact avec des médias locaux.




Quel Cône Sud voulons-nous construire ?


Chaque époque invente son mouvement citoyen et populaire. La mobilisation citoyenne en germe à Iquique n’est plus réductible au rapport de force historique du XIXème siècle qui opposait le productivisme industriel d’un côté à l’émancipation des travailleurs et des forces productives de l’autre. La bannière de l’Assemblée du Cône Sud, comme celle des six autres assemblées de citoyens en émergence sur les autres continents, c’est de s’approprier les défis multiformes de ce début de XXIème siècle. La question urgente est de "repenser profondément l’ordre établi" comme le rappelait Janela Garcia lors de la plénière d’ouverture, afin de préparer collectivement la transition vers un Cône Sud durable et solidaire, capable d’intégrer toutes ses composantes sociales et de devenir protagoniste actif d’un monde en recherche de nouvelles régulations. Ce défi historique a été formulé en une seule phrase par les organisateurs de l’Assemblée : "Quel Cône Sud voulons-nous construire ?". Lors de la plénière d’ouverture, Gony Sosa - coordinatrice de la délégation péruvienne, est revenue fermement sur cette idée et sur la responsabilité "d’apprendre à être citoyen et acteur de sa destinée" en construisant des coopérations nouvelles au-delà des frontières sectorielles et nationales.


Un cocktail très diversifié d’activités


Les chevilles ouvrières de l’Assemblée - Alihuen, Ula et Ricardo, en appui avec une dizaine de coordinateurs d’ateliers, avaient imaginé un sacré cocktail d’activités : visites sur site (École Sainte-Marie d’Iquique lieu de mémoire d’un massacre d’ouvriers et de leurs familles au début du XX siècle, salpêtrière inscrite au patrimoine de l’humanité), hommages et cérémonies (offrande des peuples originaires à la mer, hommage à la mémoire de Carlos Liberona - fondateur de l’Assemblée, aux militants victimes de la dictature chilienne, à l’ex-président argentin Nestor Kirchner), ateliers et séances plénières, activités festives, sportives et artistiques (danse, marionnettes, match de foot, clowns, musiques, performances, sérigraphie itinérante, cinéma, studio vidéo). Sans oublier la venue des participants sous la forme de caravanes citoyennes en bus depuis leurs lieux d’origine jusqu’à Iquique. L’articulation de toutes ses activités a réussi à créer un vrai sentiment de coexistence - au sens fort et spirituel que lui attribuent les cosmovisions de peuples originaires de la région. De nombreux participants confient avoir découvert des expériences innovantes, les réalités sociales et politiques de leurs pairs du Cône Sud et des approches critiques inspirantes pour leur action respective. Les activités artistiques ont permis d’associer le rire, la spiritualité et l’émotion au processus de dialogue. Elles ont joué un rôle clé. L’idée des caravanes animées en amont et en aval de l’assemblée, tout aussi géniale que complexe à mettre en œuvre sur le plan de l’organisation (les caravanes péruviennes et argentines ont été fortement ralenties par les difficultés de l’itinéraire et les contrôles migratoires à la frontière), a favorisé la découverte mutuelle des délégué(e)s, le dialogue avec les autres, permettant ainsi de prendre conscience de la propre diversité des délégations. Le retour en bus a même donné la sensation de "ramener l’Assemblée chez soi" : chacun pouvait partager son ressenti avec ses compagnons de route, laisser décanter intérieurement l’événement, continuer à approfondir les débats...etc. Sur place, les délégations ont été le plus souvent logées dans des chambres collectives louées ou mises à disposition par des hôtels et auberges de la ville. Cela a eu l’avantage de renforcer la convivialité entre les groupes et de rendre plus fluide les déplacements des participants. Cela a aussi rendu plus complexe la coordination des horaires et des rendez-vous.


Sept axes de débat comme fil conducteur


Sept axes de débat ont structuré l’assemblée sous la forme d’ateliers thématiques ou socioprofessionels, tous nourris par de courtes présentations introductives visant à stimuler les débats :


  • 1. Intégration, pouvoir constituant et dialogue de savoirs : comment permettre aux sociétés et aux forces populaires de construire un pouvoir constituant et de renouveler les cadres institués ?
  • 2. Communication populaire : comment développer les réseaux de communication populaires et alternatifs dans le Cône Sud et les mettre au service des communautés ? 3. Jeunes et éducation : comment promouvoir une éducation (et de nouveaux dispositifs éducatifs) favorable à la mobilité sociale, à l’égalité et à l’inclusion sociale ?
  • 4. Écologie populaire : quelles réponses construire face à l’expansion des projets énergétiques, miniers et agroindustriels et aux menaces pesant sur la biodiversité et les écosystèmes naturels ?
  • 5. Femmes : comment les femmes peuvent-elles être protagonistes à part entière dans la société et notamment sur les thèmes de la santé, de l’économie, de la sécurité alimentaire et de la participation politique ?
  • 6. Peuples et nations originaires : comment permettre aux peuples et aux nations originaires de bâtir leur autonomie et de valoriser leur identité culturelle sans pour autant provoquer de nouveaux clivages avec les populations métisses ?
  • 7. Migrants : comment faire émerger de nouvelles conditions économiques, interculturelles et citoyennes permettant l’inclusion et la valorisation des populations migrantes de la région ?

Les participants ont été invités à choisir un seul axe de débat par journée (d’une durée de 2h30), tout en ayant la possibilité de permuter les jours suivants. Les artistes ont par ailleurs animé plusieurs espaces artistiques en dehors du temps en ateliers, conformément au programme d’activités, mais aussi de façon complètement spontanée et improvisée.


L’animation du dialogue comme tout premier défi


Chacun des sept axes s’est efforcé d’animer un débat horizontal, en misant sur la socialisation des expériences innovantes, des questions clés, des obstacles à l’action et des propositions des participants. Une équipe d’une douzaine de facilitateurs méthodologiques est venue appuyer la coordination de l’atelier et la prise de note durant les échanges (à raison de 2 facilitateurs par atelier). La formule a bien fonctionné dans certains ateliers. Dans d’autres, on a bien senti qu’elle a été plus délicate à mettre en oeuvre. L’hétérogénéité des participants, la difficulté à installer en permanence un dialogue inclusif entre les participants et les coordinateurs, la densité du programme et le glissement des horaires initialement prévus ont limité la fécondité des travaux. Plusieurs participants sont ainsi restés sur leurs attentes quant à la dynamique des ateliers et leur capacité à construire des perspectives communes. D’elle-même, l’assemblée a montré que le premier défi a été celui de construire un dialogue réellement novateur. C’est à dire la circulation vivante de la parole, de la mise en commun respectueuse et équitable des points de vue dans un temps nécessairement fixé et limité. Au-delà de ces limitations, chaque axe est parvenu à une expression minimale de points de vue et de propositions (incluant des divergences et des désaccords) qui ont été ensuite restituées durant le "courant d’échanges pléniers" (plénière décentralisée) du 2ème jour, puis succinctement durant la plénière finale. Ces témoignages ont clôturé le déroulement de l’assemblée, accompagné de la projection d’un clip vidéo montrant un panorama global de la rencontre, mais sans déboucher sur des conclusions fermées ou prédicatives.




L’assemblée doit se construire progressivement et organiquement entre tous


Au final, on peut dire que l’Assemblée d’Iquique a réussi avec panache son premier essai de mobilisation et de débat en présence d’une importante diversité d’acteurs du Cône Sud. Les participants ont témoigné une large satisfaction sur l’atmosphère générale, sur l’intensité des échanges et la qualité des enseignements qui en découlent. Gardons à l’esprit qu’il s’agit d’un bond en avant dans le processus initié depuis 2007. L’élargissement à 300 participants, appuyé par la mobilisation préalable des animateurs régionaux a multiplié d’autant plus la variété des sujets politiques en présence, des modes de dialogue et de construction politique, fortement différenciés dans la région. Le défi est d’autant plus grand lorsqu’il s’agit de bâtir un débat constituant et inclusif. Comme le disait lucidement Jose Acuña et Stella Mangione au retour d’Iquique : "Nous sommes en train de construire un nouveau sujet collectif. L’assemblée doit se construire progressivement et organiquement entre tous, il n’y a pas de recettes toutes prêtes". L’assemblée est nécessairement une aventure apprenante et de longue haleine, devant transformer ses essais successifs en apprentissages. Les suites attendues de l’Assemblée sont claires : mettre en forme et restituer l’éventail de propositions et de questions traitées durant l’assemblée ; formuler un projet clair et structuré ; poursuivre les articulations et la mobilisation aux échelles territoriales et nationales.





 

 

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